Mahmoud Safa

Mahmoud Safa : LES CELEBRATIONS DE LA NATURE A LA Galerie Tabbal .Il y a fatalement des vies placées sous un certains signées. Prédestination, appel profond inévitable rencontre, comment qualifier cette étrange attraction pour un monde irrésistiblement fascinant ? Mahmoud Safa parle de la peinture avec vénération et religieuse dévotion. Et il l’exerce avec grand art et souveraine séduction. Une trentaine de pastels sont exposées aux cimaises de la Galerie Tabbal œuvre singulièrement déroutante d’une richesse coloristique exceptionnelle d’une densité de vision et de réflexion à nulle autre comparable. Un monde aux confins du naïf, à mi-chemin de l’abstraction et du surréalisme mais poignant et attachant à la fois tant les phosphorescences et la musicalité qu’il suscite nous rappellent la précarité et la modestie de notre condition humaine. Mahmoud Safa parle de son histoire avec les couleurs et le dessin avec passion et grande animation. Rien ne le liait en fait, au monde de l’art : ni sa famille et encore moins ses amis. Et pourtant, sans comprendre lui-même pourquoi, les crayons de couleurs, le papier, la craie, la gouache et la peinture sont devenues sa vraie famille et ses vrais amis ! Il n’avait même plus besoin des autres pour l’encourager ou le décourager. Ce fut un état de fait et telle une tornade, la peinture s’est abattue sur un être qui ignore encore toutes ses ressources d’authentique créateur….c’était vers les années 1950.Beyrouth n’avait pas alors les mêmes valeurs qu’aujourd’hui et elle n’était pas encore frappée de cette pléthore d’artiste qui n’arrête plus de croquer ….pommes et paysages libanais !comme tout rapin en herbe. Mahmoud Safa a donné corps et vie à tout ce qui lui tombait sous la main déplorable figure de style pour dire que l’artiste n’a guère ménagé ses efforts pour acquérir cette précieuse technique tant convoitée par tous….si ses premières reproductions chefs d’œuvre de précision et de fidélité , faisaient merveille, lui visait autre chose que ses propos ébahis et laudatifs d’un cercle familier certes sincère mais guère une référence en la matière. Il souffrait surtout de ne pas avoir de culture picturale. A force de volonté de ténacité, de persévérance et d’un amour fou et immodéré pour la peinture, il côtoyait les maitres, les grands, Ali KOBEISSI, Rachid WEHBE, Mounir NAJJAR, Aref RAYESS, Rafic CHARRAF sont devenus les diverses étapes d’une carrière qui prenait forme au fil des années….. On le surnomma le Paul Klee libanais. Ce n’était pas un mince hommage. Il le confesse le leader de Der Blaue Reiter, fut pour lui une source intarissable d’inspiration. Mahmoud Safa dont le sens de la nuance est très aigu, avait juste capté l’esprit des couleurs de Paul Klee. Et le voilà lance dans sa mystique. Le voilà vivant sa Thébaïde. Il y a certainement chez lui une graine de soufisme. Un monde feutre Aujourd’hui son univers émerge des brumes de la guerre. Et pourtant il n’ya nulle trace de violence et de destruction. Au contraire c’est un monde presque clos, feutre, ouate, nimbe de mystère et d’étranges murmures. Apparemment rien ne transparait de notre vécu démentiel…et pourtant son univers est grouillant, fourmillant de détails intelligemment et malicieusement répertorié pour parler de notre drame, de notre déracinement. S’il aime dans ses peintures- qui racontent toutes de délicieuses histoires bien orientales, bien brillamment bavardes et astucieusement prolixes épingler des couleurs crues, vives, chaudes phosphorescences, il le dit vertement, avec une pointe de saine ironie irrévérencieuse, c’est comme l’attachement que portent les kurdes, Arméniens ou chiites aux tons et aux chatoyances criardes et stridentes. Mais chez lui il y a une telle maitrise dans son art, un raffinement si naturel dans son choix, que seul demeure l’attrait d’une toile irradiant une force et un envoutement incomparablement mystérieux. A part une longue formation académique, des voyages et des séjours à l’étranger (New York et Paris étaient des moments bénis et émerveilles !)et les connaissances infinies que peuvent prodiguer les livres, Mahmoud Safa tend vers l’absolu Savoir.ses tableaux respirent aujourd’hui cette forme suprême d’une culture totalement assimilée mais jamais pédante car l’humanisme est un atout majeur chez ce grand artiste. Sincère est certainement sa peinture. Il faut avoir vu, les maisons, les arbres, les animaux tels que les capte le regard de ce peintre qui a connu l’errance et l’exode et été traqué cruellement par la guerre et son cortège de malheurs. Une maison sans fenêtres, des arbres aux feuillages tassés, des personnages proches de ceux de Miro, voilà que la vie n’est qu’une promesse et une terrible absence…..toutes les hantises simples d’un être que le firmament, de toute sa grandeur et sa majesté, écrase naturellement… ce travail est aisément classé sous le label du « jamais vu » Beyrouth. Il faut le découvrir. Rien que pour le plaisir et la certitude que nous avons d’excellents artistes. C’est une révélation au sens absolue du terme.