Guiragossian à la Galerie Tabbal

Le ministre français de la culture lui a décerné la médaille de « Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres ». Le Pape fait de lui un « Chevalier de Saint Sylvestre. L’Arménie soviétique l’honore de l’ « Ordre des arts de Mardires Sarian ». Mgr Karekine II Catholicos des Arméniens orthodoxes lui octroie l’ « Ordre de Saint Mesrop Mashtots »… Malgré tout cela, Paul Guiragossian reste émouvant dans ses propos lorsqu’il évoque sa peinture affirmant simplement « je reste un débutant ». Il est surtout débordant d’amitié. Pour ses prochaines expositions américaines et européennes, Guiragossian s’éclate en couleurs et en formes. Fidèle à ses thèmes favoris, cette fois il les présente en mouvements et pleins de soleil. Tout comme dans son exposition qui commence aujourd’hui à la Galerie Tabbal. Excédé par la violence ? Révolté par un bombardement ? Guiragossian éclate, et sa couleur se traduit en formes et en couleurs : des couleurs vives fraiches. Finies les formes rigides. Finis les tons de gris, le noir, reflets d’une situation tranquille et normale qu’il traduisait, la vie quotidienne du quartier : la maternité, le deuil, la fête, le musicien etc.…Aujourd’hui ses femmes sont souples dans leur attitude et donne en même temps une vision de printemps. Le port de ses personnages fait parfois rêver à un nuage, un arbre fleuri, même une foret par endroits. Et puis des couleurs, des couleurs plein les yeux : du rouge, du jaune, du bleu, du mauve, des couleurs éclatantes et belles, belles dans un ensemble de la famille de la maternité, de la mère et son enfant etc. « C’est ma façon d’exploser, de traduire mon énervement, mon dégoût. Avant la guerre, les corps que je peignais étaient unis. Aujourd’hui, il y a une sorte de déchirure de l’homme et de l’humanité. J’ai été naïf de croire que l’humaniste prendrait toujours le dessus. J’ai compris que le commerce détruit tout et aussi les faibles ». Un nouveau Paul Guiragossian ? Peut-être. Mais l’évolution est certaine. S’il s’agit toujours des mêmes thèmes, ils sont simplement présentés différemment. Jamais de la même façon : « le soleil se lève et se couche tous les jours. L’être humain n’arrête pas de respirer et ce n’est jamais de la même façon. Chaque coucher de soleil, chaque respiration diffère des précédents…c’est cela ma peinture aujourd’hui. J’ai explosé dans mes couleurs, mais non sans logique. Ma toile on la voit colorée, mais à bien la regarder elle est triste. Dans leur mouvance, mes personnages sont perdus. Ils ne savent plus d’où ils viennent où ils vont. Ils sont perdus dans un espace infini. » C’est tout cela dans une centaine de toiles que Guiragossian donnera à voir à partir du mois d’avril à New York, Los Angeles, Toronto, Paris, Londres, Madrid. C’est le fruit de quatre années de travail, après avoir consacré une longue période à ses compatriotes dans le malheur offrant les recettes de son travail afin de soulager leur misère. Guiragossian aux USA et en Europe c’est le bol d’oxygène. C’est un peu cet autre visage du Liban qu’on exporte un visage plus doux et nettement plus humain. Il n’est que temps.